La « République » en danger !

Une fois de plus, les élus toulonnais envisagent une importante requalification de voirie sans respecter les dispositions de la nouvelle rédaction de l’article L.228-2 du Code de l’environnement : 

« À l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes… »
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Les usagers sont vent debout cette fois, car il s’agit ni plus ni moins que de l’avenue de la République dont on nous promet l’aménagement depuis 2009. Yannick Chenevard, adjoint chargé du transport à Toulon, annonçait lui-même la réalisation de cette infrastructure après l’ouverture du deuxième tunnel :

L’argument contre une piste cyclable, à l’époque, était l’intense trafic routier sur l’avenue, de 45 000 voitures par jour. La construction du second tunnel, selon l’adjoint, devait donc enfin permettre la libération d’une voie et demi en surface… Depuis 2014, c’est chose faite : le second tunnel est ouvert. Mais alors, quid de « rendre de rendre Toulon aux Toulonnais » ?

La surprise fut donc amère lorsque le journal Var Matin, dans son édition du 02/02/2023, nous a livré les détails des travaux enfin prévus. Une opération d’ampleur, d’un coût total d’1,2 million d’euros. Mais en un mot comme en cent : pas de piste cyclable le long de l’une des principales artères de la ville.

Vous avez bien lu : pas de piste cyclable.

Voilà. Pas de piste cyclable.

Pas de piste cyclable pour la République

Alors pourquoi pas de piste cyclable, au mépris de la loi ? Réponse de Luc de Saint-Sernin, l’adjoint notamment en charge de la voirie (ainsi que de la… mobilité durable !) :

« Si on ajoute une bande cyclable d’un mètre sur l’avenue de la République, on tue une voie, et ça devient de fait très compliqué pour la circulation. »

Et le verbatim termine sur cette petite phrase qui fera s’étrangler le vélotaffeur faisant quotidiennement l’aller-retour entre l’arsenal et Toulon est :

« Tout existe pour que les vélos roulent en sécurité ».

On comprend le coup de sang des usagers, car le nouvel élu en charge des travaux découvre ce très ancien dossier – qui revient souvent du côté des cyclistes, à savoir la difficulté de traverser Toulon d’ouest en est (nous avions rencontré son bras droit à ce sujet en 2020, lire notre compte-rendu).

C’est regrettable, car nous avons maintes fois tenté de faire entendre nos propositions, et ce par différents canaux : des courriers envoyés à la mairie en 2015 et 2017, de nombreux articles sur ce site (ici), des sorties revendicatives… Et la presse s’en était fait l’écho, comme en juin 2020 :

Que faut-il faire pour être entendu ? La démocratie participative existe-t-elle à Toulon ? N’est-ce pas pousser les usagers à un militantisme extrême que de faire la sourde oreille ? Jusque-là, nous n’étions pas plus démonstratifs que par nos actions « bon enfant », ni ne passions par les tribunaux comme cela se fait dans d’autre villes (avec des résultats tangibles qui obligent parfois à reprendre les travaux). Serait-ce une erreur de notre part que d’éviter les crispations ?

Nous souhaitons donc vivement que la mairie reconsidère ce chantier avant même le premier coup de pioche, et qu’elle invite les usagers cyclistes à une table ronde pour évaluer les quelques options techniques qui permettraient de faire sauter le chaînon cyclable manquant entre l’est et l’ouest de la ville.

La Masse donne de la voix !

Voici, pour rentrer dans le vif du sujet, les avantages et inconvénients de deux variantes :

-1- Une bande cyclable en sens unique côte droit. C’est un vieux concept qui revient régulièrement… Malheureusement, une telle bande cyclable deviendrait un parking temporaire qui profiterait aux automobilistes adeptes du stationnement sauvage en mode « ça va, j’en ai pour cinq minutes« . Extrêmement pratique pour acheter le pain ou les cigarettes, mais dangereux pour les cyclistes contraints de faire des écarts (voir le cas de l’avenue Général Brosset ou de la rue Jean Jaurès, par exemple).

-2- Une piste double sens sur la troisième voie. Une telle piste offrirait une façon rapide pour traverser la ville en venant de la Corderie. Il faudrait cependant récupérer convenablement le trafic cycliste venant de la Corderie vers la porte principale de l’arsenal, par le trottoir qui est très large, ou par la voie d’accès à l’arsenal. Les cyclistes pourraient ainsi attendre au feu et se prépositionner face à la piste double sens grâce à un sas dédié (ce serait du coup un bon plan pour le personnel de l’arsenal). L’inconvénient de cette solution est une desserte plus délicate du port côté sud de la voie, port qui serait alors plus accessible par l’axe de la rue Victor Micholet/Henri Seillon en traversant aux intersections existantes. Le retour d’est en ouest pour accéder à la porte de l’arsenal devrait être géré par un feu, a priori synchronisé sur celui de la porte de l’arsenal. 

Il y a peut-être d’autres options qui bouillonnent dans d’autres cerveaux. Nous évoquons volontairement celles-ci pour mettre en évidence que c’est seulement autour d’une table que l’on fera éclore la meilleure. Ce sera particulièrement vrai pour la conception d’une infrastructure réussie sur l’avenue de la République.

Le mot de la fin

Faut-il ajouter à cet argumentaire que la mise en service du second tunnel a allégé comme attendu le trafic auto en surface, que l’élargissement de l’A57 en cours a vocation à fluidifier également le trafic sur l’est de la ville, que la Métropole TPM verra la mise en place de la Zone à Faible Émission en avril 2023 ?

Doit-on souligner que l’objectif premier du futur Bus à Haut Niveau de Service BHNS (lire ici notre contribution de janvier 2022 à la concertation) qui va desservir la métropole est d’apaiser la ville (les élus devraient être plus confiants de son efficacité) ?

Faut-il rappeler, encore et toujours, qu’un vélo en ville, c’est aussi une voiture de moins ?

De plus, les chiffres désastreux de la mortalité des cyclistes en 2022 ne devraient-ils pas provoquer un sursaut chez les décideurs en charge des mobilités ?

À défaut de construire « le monde d’après », nous espérons des investissements pour les besoins d’aujourd’hui et surtout de demain.

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